La surprise de Berg-op-Zoom : histoire d’une bataille oubliée
En ce début d’année 1814, l’Empire de Napoléon Bonaparte vit ses derniers instants. Les armées de la Sixième Coalition, rassemblant la Grande-Bretagne, la Russie, l’Autriche, la Suède et la Prusse, commencent leur invasion. Le Premier Empire manque d’hommes pour se défendre, notamment au Nord et à l’Est, qui subissent le plus fort des attaques.
La Hollande, alors territoire de l’Empire, fait face à une insurrection populaire. Mais le général Decaen ordonne le retrait des troupes françaises afin de les envoyer combattre la Sixième Coalition. Napoléon s’oppose à cet ordre, juste avant que la forteresse de Berg-op-Zoom (à la frontière entre la Belgique et le Brabant hollandais) ne soit évacuée. Rapidement coupée des renforts français par un blocus, la garnison devra tenir seule.
Le colonel Legrand-Mollerat raconte deux ans plus tard, dans un livre intitulé Relation de la surprise de Berg-op-Zoom (cote 01557), les évènements de ce début du mois de mars.
L’ouvrage de Legrand-Mollerat (01557)
Des soldats du Premier Empire. Source gallica.bnf.fr
L’hiver hollandais est rude cette année-là et il gèle sans discontinuer depuis le 21 janvier. Les fossés qui entourent la forteresse sont recouverts par la glace, que les Français doivent briser chaque jour pour éviter qu’il ne devienne possible de traverser à pied.
« Souvent il falloit la couper à la hache. […] Il faut avoir été l’hiver dans une ville du nord assiégée ou bloquée, et dont la défense est fondée sur l’eau, pour avoir une idée juste de l’immensité du travail, et de la fatigue qu’une gelée de soixante quinze jours occasionne à une garnison ».
Les forces françaises, en nombre insuffisant pour occuper la forteresse, doivent en outre affronter la maladie et les désertions favorisées par la population civile de Berg-op-Zoom. C’est dans ce contexte que les troupes anglaises du général Graham tentent une attaque surprise. « Le 8 mars, entre neuf heures et demi et dix heures du soir, au moment où la garnison s’y attendoit le moins, elle entendit une vive fusillade à la porte de Steenberg ».
Mais cette escarmouche n’est qu’une diversion : une colonne anglaise s’est introduite dans le port, profitant de la marée basse et de la trahison des sentinelles françaises qui y étaient postées. Alors que les Français sonnent le branle-bas de combat, des troupes anglaises réussissent à pénétrer dans la ville par une autre porte et occupent une grande partie des remparts. Enfin, une dernière colonne anglaise attaque depuis l’extérieur une troisième porte, la porte d’Anvers. Les défenseurs sont pris en tenaille.
Une bataille sanglante est lancée dans la rue d’Anvers. Les Français réussissent à défendre la porte et à forcer les Anglais à se replier sur les remparts, « laissant la rue, les environs de la porte d’Anvers et le bastion 6 jonchés de morts et de mourans, et entre [leurs] mains beaucoup de prisonniers ». N’entendant plus les cris de victoire de leurs compatriotes, d’autres soldats anglais tentent de leur venir en aide en traversant les fossés gelés, mais la glace cède et ils ne peuvent traverser.
À 3h du matin, les combats sont répartis sur trois fronts : le port, les remparts et les alentours de la porte d’Anvers. La situation s’enlise. Les Français décident alors de tenter le tout pour le tout et lancent un assaut massif à l’aube. C’est ainsi qu’au port ils triomphent des défenses anglaises. Ne pouvant s’enfuir car la marée est désormais haute, leur commandant se rend pour « faire cesser cette inutile boucherie ». Dans la foulée, les Anglais présents sur les remparts déposent les armes, et les combats cessent petit à petit.
Le 9 mars à 10h du matin, tout est fini. Les deux camps définissent un armistice et discutent d’échanges de prisonniers. Sur les 4000 attaquants, au moins 800 ont péri et tout autant sont blessés. Du côté français, Legrand-Mollerat compte plus de 500 morts et blessés graves.
Ironie du sort, Napoléon signe sa reddition dès avril 1814. Les « places étrangères » sont donc évacuées et les Français quittent définitivement Berg-op-Zoom. Seulement un mois après tant de sacrifices, la forteresse est rendue à la Hollande et la bataille tombe dans l’oubli…
Ecrit par la BU Vauban