Les billets du Patrimoine

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Entre foi et science : les voyages de Teilhard de Chardin

Pierre Teilhard de Chardin naît en Auvergne en 1881. Il fait ses études chez les jésuites. Il obtient en 1897 son baccalauréat de philosophie et celui de mathématiques un an plus tard. Issu d’une famille très croyante, c’est avec une foi sans faille qu’il s’engage dans la Compagnie de Jésus et prononce ses premiers voeux en 1901. La même année, les jésuites sont bannis de France suite à une loi interdisant aux congrégations religieuses d’enseigner. Il termine son juvénat à Jersey, où il commence à s’intéresser à la géologie. Il s’y plonge davantage encore en Égypte, où il est envoyé pour trois ans comme professeur de physique-chimie. En 1909, il débute un cursus de théologie à Hastings en Angleterre, tout en se passionnant pour la théorie de l’évolution de Darwin. De retour en France, il est recruté par Marcellin Boule au Muséum d’histoire naturelle de Paris, où il étudie entres autres les fossiles du Crétacé. Il fait aussi un voyage d’études en Espagne dans des grottes préhistoriques, en compagnie de l’abbé Breuil, éminent paléontologue.
En 1914, il est mobilisé en tant que brancardier, refusant d’être aumônier afin d’être plus proche des soldats. Son régiment est sur tous les fronts : Les Flandres, Verdun puis la Marne. Il commence à écrire, notamment La vie cosmique et Le milieu mystique. Dans ces textes émergent déjà intuitivement les grandes théories qui feront sa notoriété. L’expérience de la guerre, ses horreurs et la proximité de la mort le bouleversent. Mais ce grand optimiste regarde la mort avec lucidité et acceptation. Après un sauvetage héroïque, Teilhard reçoit la médaille militaire.
En 1919, il retrouve ses chers fossiles au Muséum d’histoire naturelle. Il continue et approfondit ses études en botanique et en zoologie, et devient docteur ès sciences et maître de conférences à l’Institut Catholique de Paris.
La diffusion d’une note privée portant sur le péché originel va lui valoir, du Vatican, une interdiction d’enseigner et de publier ses textes théologiques. Pour l’éloigner de la vindicte romaine, sa hiérarchie lui demande de poursuivre ses recherches paléontologiques en Chine.
Pour le prêtre, théologien et scientifique, il est essentiel de réconcilier science et foi. Mais la foi catholique et l’évolutionnisme sont à cette époque difficilement compatibles pour la curie romaine. Dès lors, Pierre Teilhard de Chardin ne cessera, dans ses écrits censurés, de creuser le sillon de cette quête. Il voyagera également sans cesse entre la Chine et la France, passant aussi par Bornéo ou l’Inde pour des fouilles archéologiques, et par les États-Unis et l’Europe pour des conférences.

Teilhard de Chardin et Henry de Monfreid, l’inattendue rencontre

C’est en 1926, sur le paquebot qui le conduit en Chine, que Teilhard rencontre Henry de Monfreid avec lequel il sympathise immédiatement. À bien des égards, ils se ressemblent : optimistes, lucides, indépendants et anticonformistes. 

Monfreid et sa compagne débarquent à Djibouti, leur fief. Fin 1928, celui que Teilhard surnomme affectueusement « Le Pirate » l’accueillera quelques mois pour lui faire visiter l’Éthiopie, berceau de l’humanité. Henry de Monfreid est arrivé en Éthiopie dès 1911, où il s’est fait trafiquant de perles, de haschisch et d’armes sur les côtes de la mer rouge. Hors-la-loi pour les autorités coloniales, il se convertit à l’islam. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il devient reporter de guerre. Sa rencontre avec Joseph Kessel l’incite à écrire ses aventures. Il est l’auteur d’une soixantaine de récits autobiographiques ou journalistiques, de romans d’aventures et de contes. Il ne rentrera en France qu’en 1947.

Teilhard de Chardin embarqué dans La Croisière Jaune

Pour promouvoir ses véhicules utilitaires, André Citroën décide en 1929 d’organiser une traversée de l’Asie en autochenille. Trois ans seront nécessaires pour planifier cette expédition, trouver l’itinéraire idéal et obtenir les autorisations des pouvoirs chinois. Souvenons-nous qu’à l’époque la Chine est en plein chaos, soumise d’un côté aux seigneurs de la guerre, de l’autre au nationalisme de Tchang Kaï-Chek, à l’hostilité envers les occidentaux et à la menace nipponne. Début 1931, Teilhard de Chardin est à New-York.

Il y rencontre le lieutenant de vaisseau Victor Point, l’un des organisateurs du raid, qui lui propose d’y participer en tant que géologue et fin connaisseur de la Chine; Teilhard accepte.


Après de multiples péripéties (dont une tempête, plusieurs pannes et un conflit entre un potentat chinois et des rebelles locaux aboutissant à une prise en otage), l’expédition de Teilhard fait la jonction dans la ville-oasis d’Aksou, dans le Xinjiang, avec le groupe Pamir parti de Beyrouth. La traversée du désert de Gobi et le retour vers Pékin seront tout aussi mémorables et dangereux, notamment à cause du froid glacial de l’hiver 1932.

Les dernières années de Teilhard de Chardin

Après avoir passé plus de vingt ans en Chine dans son laboratoire-musée de Tientsin et en fouilles archéologiques, Teilhard rentre à Paris en 1946. Il est désormais un paléontologue internationalement reconnu. Il devient directeur de recherches au CNRS et continue de donner des conférences et de voyager en Afrique du Sud, en Argentine et aux États-Unis. Il n’a pas cessé d’écrire pendant toutes ces années, mais ses textes conciliant évolution humaine et foi catholique sont soupçonnés de panthéisme et toujours mis à l’Index. Ces écrits circulent « sous le manteau », polycopiés, ronéotypés et diffusés par ses nombreux amis. Dans son autobiographie Le coeur de la matière, qui se conclut par un chapitre intitulé « Le Féminin », Teilhard écrit : « rien ne s’est développé en moi que sous un regard et sous une influence de femme ». Tout en respectant son voeu de chasteté, il eut plusieurs grandes amitiés féminines. La plus notable reste Lucile Swan, sculptrice américaine qu’il rencontra à Pékin en 1929. Leur correspondance de plus de 25 ans atteste de leur indéfectible attachement.
C’est à New-York, le jour de Pâques 1955, qu’il s’éteint chez son amie Rhoda de Terra. Jeanne Mortier, sa légataire, commence la publication de ses oeuvres non-scientifiques dès le mois de juin. Néanmoins la mise en garde vaticane restera d’actualité jusqu’en 1981. Ce n’est qu’au XXIe siècle qu’il sera reconnu comme « précurseur » par les papes Benoît XVI et François.

Bibliographie :
Antier J.-J., Pierre Teilhard de Chardin ou la force de l’amour, 2012, cote 271.5 ANT [RM]
Cuénot C., Pierre Teilhard de Chardin, 1958, cote 201.65 TEI/C [RM]
Teilhard de Chardin P., OEuvres complètes, 12 tomes, cote 201.65 TEI OC [RM]
Teilhard de Chardin P., Écrits du temps de la guerre (1916-1919), cote 1965, 261.65 TEI [RM]
Teilhard de Chardin P., Écrits de voyage (1923-1955), 1956, cote 261.65 TEI [RM]
Monfreid H. de, Les secrets de la mer rouge, 1933, cote 10A.25.35
Monfreid H. de, Aventures de mer, 1933, cote 10A.25.34
Le Fèvre G., La Croisière jaune, 2019, cote 915.8 LEF

Ecrit par la BU Vauban

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