Les billets du Patrimoine

50 billets

13 abonnés

Billet

blog-post-featured-image

Une brève histoire du livre... en braille

En 1829 était publié un livre qui allait changer la vie de milliers de personnes à travers le monde. Le Procédé pour écrire les paroles, la musique et le plainchantau moyen de points saillants à l’usage des aveugles et disposé pour eux fut le premier livre pour apprendre le braille, par son inventeur éponyme, Louis Braille.Ce système de lecture et d’écriture est devenu le plus répandu pour les non-voyants et les mal-voyants. Son alphabet en points saillants se compose de caractères répartis en 6 points sur deux colonnes. Il couvre, d’après Louis Braille, « plus de signes qu’il ne nous en faut pour représenter les lettres simples et accentuées, les ponctuations, les chiffres et les signes algébriques, de la musique et du plain-chant ».

L’homme n’est cependant pas le premier à vouloir rendre la lecture accessible aux aveugles. Avant lui, quelques précurseurs avaient développé leurs propres méthodes. Zain Din al-Ämidï, commerçant et professeur aveugle à Bagdad, utilise dès le XIIIe siècle des lettres en relief pour identifier ses livres. En 1670, Francesco Lana de Terzi invente une écriture codée et imprimée en relief : le système lana. Enfin, Valentin Haüy, l’un des plus célèbres, fonde en 1786 la première école française pour jeunes aveugles (elle deviendra l’INJA). Pour enseigner la lecture à ses élèves, il fait gaufrer des lettres de grande taille sur papier épais et publie ainsi en 1786 l’Essai sur l’éducation des aveugles, ou Exposéde différens moyens [...] pour les mettre en état de lire, à l’aide du tact, d’imprimer des livres dans lesquels ils puissent prendre des connaissances de langues, d’histoire, de géographie, de musique. Quelques années plus tard, en 1817, un autre livre notable est publié avec le même système, par les élèves de l’école : Notice historique sur l’Institution royale des Jeunes aveugles.

Louis Braille étudie dans cette école dès l’âge de 10 ans. Il apprend à lire avec ce procédé, qu’il entreprend ensuite d’améliorer. Il s’inspire notamment de la sonographie inventée par Charles Barbier en 1815. Cet homme, originaire de Valenciennes, avait mis au point un code tactile d’écriture rapide et de lecture nocturne, basé sur les sons. Louis Braille adapte sa méthode, en permettant cette foisci de lire et écrire selon l’orthographe et d’inclure les mathématiques et la musique.










Charles Barbier de La Serre (1767-1841)

Extraits du Procédé pour écrire l’écriture, la musique et le plain chant au moyen de points saillants à l’usage des aveugles et disposé pour eux, Louis Braille.

La première édition fut rapidement épuisée par de nombreuses demandes, en France et à l’étranger (le code s’adaptant à toutes les langues). Petit à petit, des livres furent produits en braille. Leur production était cependant lourde et coûteuse. Imprimés avec les presses utilisées pour les « livres en noir » (les livres pour les voyants), les points en relief étaient embossés sur un papier très épais. Une plaque de caoutchouc recouvrait la feuille de papier étendue sur les caractères. Passés sous presse, les caractères s’enfonçaient dans la plaque, tout en gaufrant le papier. L’impression se faisait sur papier humide pour que l’empreinte soit plus forte et durable. Le mouillage et le séchage nécessitaient ainsi une main-d’oeuvre supplémentaire. À l’origine, l’impression ne se faisait que sur une face des feuillets, qui étaient ensuite collés dos à dos pour constituer des recto-verso. L’arrivée de la stéréotypie, utilisant des fines plaques de métal sur lesquelles les points étaient préalablement gravés, permit d’imprimer en plus grande quantité et en recto-verso (en interlignes puis en interpoints). La feuille était pressée entre deux plaques de métal contenant les mêmes caractères et disposés en relief ou en creux, selon l’emplacement (recto ou verso).



Dorénavant, l’impression s’effectue par des imprimantes qui créent le relief en braille directement sur le papier épais selon des données transmises par ordinateur. Le prix d’un livre en braille demeure plus élevé qu’un livre classique (4 ou 5 fois plus cher) car il nécessite une transcription faite par des spécialistes, des machines particulières et un papier épais. Il comporte également beaucoup de pages et pèse lourd (1 volume classique = 4 ou 5 volumes en braille). À titre de comparaison, la bible complète en braille représente près de 40 volumes. Aujourd’hui, les nonvoyants privilégient la lecture audio ou en braille informatique, sur tablette ou ordinateur. 

En janvier 2023, une avancée notable a été faite en matière d’accessibilité : 2000 livres en braille ont été rendus accessibles à prix unique et identique aux livres classiques, près de 40 ans après la loi Lang. Cette loi avait instauré un prix unique fixé par l’éditeur, imprimé sur la couverture du livre. Son but était de protéger la filière de la concurrence et de rendre la lecture accessible au plus grand nombre.









Plaque commémorative située à la première adresse de l’INJA








Presse à imprimer en braille et stéréotypie (source Braille.be)

Pour aller plus loin :
• Sur la sonographie :
Charles Barbier de la Serre, Principes d’expéditive française pour écrire aussi vite que la parole, 1809.
• Sur le braille :
Vidéo : Louis Braille et son invention révolutionnaire, de l’INA.
G. Pérouze, « Comment on imprime les livres Braille », dans Le Louis Braille, 1911 (article en ligne : Les archives du Louis Braille de 1883 à 2016, Publié le 14 février 2018)
Revue Le Louis Braille, bulletin de l’Association Valentin Haüy, sur Gallica.
Colloque à l’INJA : 70e anniversaire de l’entrée au Panthéon de Louis Braille, 2022.
• Sur l’accès à la lecture :
« D’hier à demain, bibliothèques & publics empêchés. Quel accès au livre et à la lecture pour les publics en situation de handicap ou hospitalisés ? », Journée d’études BnF, 2018.

Ecrit par la BU Vauban

Description du blog

Ce blog ne contient pas de description et l'auteur n'a rien écrit a son sujet.