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L'éthique dans la formation des ingénieurs français en quête d'institutionnalisation
Archive ouverte : Communication dans un congrès
Edité par HAL CCSD
National audience. Depuis trente ans, un corpus de formation à l'éthique professionnelle destiné aux ingénieurs se s'est développé dans divers pays du monde : de nombreux manuels ont vus le jour surtout aux Etats-Unis où les plus connus en sont à leur 4eme édition. Une communauté de chercheurs s'est constituée à avec ses colloques, séminaires, ouvrages collectifs, revues spécialisées comme Sciences and Engineering Ethics, des articles publiés dans des revues consacrées à la formation des ingénieurs (Journal of Engineering Education, International Journal of Engineering Education, European Journal of Engieering Education), l'éthique (Science Technology and Human Values, Ethical Perspective) ou destinés aux professionnels (IEEE Technology&Society Magazine). S'il n'est pas possible d'identifier en France une communauté scientifique dédiée à ce champ, des enseignements relatifs à l'éthique sont dispensés à de futurs ingénieurs depuis une vingtaine d'année. Et si lors du congrès de 1991 de la Conférence des Grandes Ecoles, on pouvait entendre qu' " il [était] évidemment impensable d'effectuer un cours d'éthique mais (...) impossible d'ignorer cette demande latente ", évoquer l'existence d'un enseignement en éthique dédié à de futurs ingénieurs ne relève plus de l'incongru, surtout depuis que la référence est apparu dans les textes de la Commission des Titres d'Ingénieurs. Chargée d'habiliter les formations d'ingénieurs en France, la CTI constitue depuis 1934 la pièce maîtresse du dispositif français de formation des ingénieurs. Or, depuis la première publication de sa " Doctrine " en 1995 - devenu Références et Orientations et qui est le document d'accompagnement officiel de toute demande d'habilitation - il est question de formation à l'éthique. Cependant si la CTI a donné une légitimité à " l'éthique " dans les formations d'ingénieurs, aucun consensus n'a émergé sur sa place, son statut, celui des enseignants et la recherche. Rien non plus n'a été explicité quand aux raisons de vouloir faire entrer " de l'éthique " dans les écoles d'ingénieurs. La façon même dont le terme est mobilisé dans les documents de la CTI témoigne d'un flottement incessant. " Ouverture à l'éthique des ingénieurs " (1995), " réflexion éthique sur le métier d'ingénieur " (1998), " ouverture à la réflexion éthique " sans référence au métier (2000), " assimilation de la culture d'entreprise et la compréhension du contexte économique, sociale, humain, environnemental, éthique, philosophique... permettant notamment de s'intégrer dans un groupe et de la diriger efficacement " (2012), un grand flou entoure l'éthique depuis son inscription dans les textes qui a pourtant conduit beaucoup d'écoles à inventer une réponse singulière. Dans cette communication nous proposons de retracer les jalons de l'institutionnalisation problématique de la formation éthique des ingénieurs en France, en analysant l'évolution des termes du débat au cours des vingt dernières années. Nous montrerons comment les travaux récents en sociologie et en sciences de l'éducation concernant la place des SHS dans les formations d'ingénieurs ont laissé de côté l'éthique dont la place est acquise en théorie dans les textes. Nous terminerons en évoquant ce que pourraient être les objectifs qu'une formation en éthique professionnelle destinée à des ingénieurs.