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La sage-femme ou le médecin : une nouvelle conception de la vie / Jacques Gélis
Livre
Edited by Fayard ; Impr. Firmin-Didot - 1988
Dans la société traditionnelle, l'accouchement se passe entre femmes : la matrone, mémoire du village, héritière de "petits secrets", assiste les femmes en couches. Mais dès le XVIe siècle, ses pouvoirs, réels et symboliques, la rendent suspecte aux yeux de l'Eglise qui la place sous surveillance. Peu à peu les pratiques évoluent, et l'Etat, soucieux de sauvegarder les populations, cherche à la remplacer par une jeune femme "sage", instruite des règles élémentaires d'hygiène et obéissant au corps médical. Au XVIIIe siècle, l'Europe entière envoie ses sages-femmes à l'école. En France, Mme Du Coudray parcourt le royaume pendant vingt-cinq ans avec son célèbre "mannequin". Sa méthode fait merveille. Avec l'appui du pouvoir royal elle organise dans les grandes villes des cours d'accouchement qui, après son passage, sont placés sous la responsabilité de "chirurgiens-démonstrateurs". En se multipliant, les cours consacrent officiellement le rôle des accoucheurs. Levret, Baudelocque, Smellie sont les principales gloires de cette Europe de l'obstétrique où circulent les hommes et les idées. Une science des accouchements se constitue non sans tâtonnements, suscitant débats et controverses sur les mécanismes de la conception et les techniques opératoires. Le passage de la sage-femme au médecin représente un tournant décisif dans l'histoire des femmes. Il traduit aussi un bouleversement de la conception de la vie et l'apparition d'une nouvelle vision du monde. Au fatalisme d'autrefois fait place une aspiration à soigner le corps souffrant et menacé, alors que s'affirme le désir d'avoir des enfants non plus seulement pour assurer la permanence du cycle vital mais pour les aimer et en être aimé.
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