Il était une fois, un peuple de créatures gigantesques faites d’osier, de bois, de plâtre et de carton-pâte qui vivaient dans les villes du nord de la France et en Belgique. On les appelait les «Géants » ou les «Reuzes» (qui signifie « géants » en flamand).

Nombreux dans nos contrées, ces êtres avaient des semblables partout dans le monde, que l’on appelait « géants de procession ». Leur apparence leur venait de corps de métiers, de personnages historiques ou fictifs et même d’animaux. Mis au monde par des hommes surnommés « facteurs de géants », ils défilaient et dansaient dans les rues parmi la foule qui les acclamait, paradant avec leurs costumes au milieu des fanfares. Ces géants étaient si appréciés qu’une rivalité pouvait naître entre les villes dont ils étaient devenus les héros…
Ces Géants trouvent leurs lointaines origines dans les rites médiévaux et les traditions portugaises et espagnoles, où l’on célèbre des épisodes religieux ou légendaires avec des figures colossales. Dans le Nord, les caractères profanes de nombreux géants les font exclure peu à peu des processions religieuses au bénéfice des cortèges de fêtes populaires.

C’est à Douai que l’on trouve la première trace de géants dans le Nord avec une célèbre famille, protectrice de la ville. Le père, Monsieur Gayant (« géant » en picard) naît en 1530. Il mesure plus de 8 mètres et pèse près de 350 kilos. Madame Gayant, autrement appelée Marie Cagenon, naît en 1531. Ils ont plusieurs enfants : Jacquot, Fillon, Binbin puis Saint-Michel et son diable, nés entre 1675 et 1687. Leurs apparitions ont été de tout temps très attendues et célébrées par les habitants.

Non loin de là, les géants Lydéric et son ennemi Phinaert peuplent Lille depuis 1565. Comme tous les géants, ils racontent l’histoire et les légendes de leur ville. Aux alentours de l’an 620, Phinaert fit assassiner le père de Lydéric, Salvaert, alors qu’il se rendait en Angleterre avec son épouse Ermengaert. Celle-ci, alors enceinte, se réfugia dans la forêt et mit au monde son enfant. Traquée par les soldats de Phinaert, elle confia son nouveau-né à un ermite avant de fuir. Une fois adulte, Lydéric se vengea et affronta Phinaert dans un duel judiciaire. Il parvint à le combattre et fut nommé par le roi Garde général des forêts de Flandre et Maître des terres de Phinaert, qui deviendraient la cité de Lille.

Les lillois retrouvent leurs géants, absents depuis la Révolution française, à l’occasion de la fête de la ville en 1821. Ils seront peu à peu rejoints par de nombreuses autres figures (Jeanne Maillote, le Tambour-Major des Hurlus, Pierre Degeyter, Raoul, etc.).
Chaque personnage a sa propre vie et peut évoluer : être baptisé, changer d’apparence, se marier et devenir parent… Animés par leurs porteurs ou tirés sur des chars, ils défilent les jours de fête : carnaval, braderie, kermesse,... Certains ont leur propre chanson et leur danse, comme le « Rigodon » des géants Gayant à Douai, ou encore le « Grand Gouyasse », dansé par Goliath et sa femme lors du cortège de la Ducasse d’Ath en Belgique.

Aucun géant ne peut prendre vie sans les porteurs. Il en faut parfois plus de quinze pour déplacer un seul personnage. Il existe de véritables corporations de porteurs, dans lesquelles on entre de génération en génération. Portant leur tenue traditionnelle, chacun a un rôle bien défini. Pour la famille Gayant, il y a les quêteurs (les plus jeunes), les chefs de lunette (pour guider le groupe à travers la lucarne du géant), les brigadiers (qui commandent à l’arrière), et les chefs de protocole (qui dirigent les troupes et mènent la cadence du cortège).
Certains personnages, plus petits, peuvent être portés par des enfants (comme le Tio Jean d’Arleux).

Ce folklore régional est encore très vivant, grâce aux associations qui s’investissent pour préserver la tradition. Les familles de géants continuent même de s’agrandir avec des naissances qui ont encore lieu. Ces nouveaux géants sont créés en hommage aux personnalités locales ou aux symboles de la région. Parmi eux, citons l’ouvrier du textile Augustin de Balempins, crée en 2014 à Tourcoing, ou encore le fameux Reuze Quinquin, qui représente Pierre Mauroy, et a été créé en 2008 à Lille. Il existe plus de 559 géants dans le nord de la France et plus de 1500 en Belgique. Depuis 2005, ces personnages hauts en couleurs
sont inscrits au titre de chefs-d’œuvre au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.

Pour aller plus loin...

• René Darré, Géants d’hier et d’aujourd’hui, 1944 - Emplacement BU : 7E25/28
• Robert Chaussois , Géants du Nord-Pas-de-Calais, 1998 - Emplacement BU : RL 08237
• Bernard Coussé, Géants d’ici, 1986 - Emplacement BU : RL 10148
• René Meurant, Géants processionnels et de cortège en Europe, en Belgique, en Wallonie, 1979 - Emplacement BU : RL 09839
• Félix Robaut, Gayant, ou Le géant de Douai, sa famille & sa procession, 1839 - Emplacement BU : HR8 0546

Retrouvez la liste des géants du Nord en cliquant ici.